L’enseignement du Bouddha s’appuie sur une vision universelle de la nature humaine puisque chaque être possède la capacité d’éveil. Rien d’étonnant dès lors à ce que cet enseignement se soit répandu au-delà de l’Inde et, en premier lieu dans la plupart des pays d’Asie. Traduits, les textes d’origines se sont aussi enrichis des commentaires (ou shastra) des nombreux maîtres, qui, ayant atteint à leur tour l’éveil en suivant l’exemple du Bouddha, ont offert de nouveaux éclairages sur le sens de certains soutras. Par ailleurs, trois grands courants émergèrent, trois « véhicules » pour cheminer sur la voie de la libération et chacun donna naissance à son propre corpus.
La tradition du Théravada (du nom de la branche du bouddhisme qui s’est développée au Sri Lanka et qui a survécu jusqu’à aujourd’hui dans les pays d’Asie du Sud-Est) s’appuie directement sur les paroles et l’expérience du Bouddha historique, ainsi que sur le canon de textes qui les regroupe : le tripitaka. Ses enseignements sont focalisés sur le renoncement à la souffrance et à sa cause : les afflictions comme la colère, le désir, etc., ainsi que sur les causes qui conduisent à l’au-delà de la souffrance : la méditation principalement. Le fruit est l’état d’arhat, un état de cessation de la souffrance et de victoire totale sur les afflictions. Cette tradition fut nommée Hinayana (petit véhicule), car sa perspective est celle d’une libération personnelle, par opposition au Mahayana qui vise celle de tous les êtres.
La tradition du Mahayana est apparue vers le 2ème siècle de notre ère. D’un point de vue traditionnel, on considère que cet enseignement est celui du Bouddha historique mais qu’il ne s’est pas diffusé largement dès le départ car les êtres n’étaient pas encore mûrs. Ces enseignements mettent l’accent sur l’universalité de la souffrance et la recherche d’une libération de tous les êtres considérés comme interdépendants. Le développement de la compassion et de l’amour inconditionnel va de pair avec la connaissance de la vacuité fondamentale de tous les phénomènes.
La somme des textes est tellement variée et importante qu’il parait impossible que les premiers pratiquants du Mahayana aient possédé l’ensemble du corpus. Il est vraisemblable que les différents soutras soient apparus progressivement et en divers lieux. Ces textes furent rassemblés au fil des siècles, en Chine et au Tibet lors de la première vague de traduction, et c’est alors qu’un corpus plus identifiable fit son apparition.
La tradition tantrique s’appuie sur celle du Mahayana, et lui est identique en termes de vision et de motivation : le pratiquant vise également à atteindre l’état de bouddha en réalisant la vacuité, et ce pour le bien de tous les êtres sensibles. Les méthodes sont toutefois spécifiques et variées. Elles s’appuient sur une relation de maître à disciple et sur une transmission à caractère initiatique.
La tradition tantrique a évolué au fil des siècles. Elle était extrêmement confidentielle à ses débuts, uniquement transmise de maître à disciple, dans le secret. Les premières traces des tantras bouddhiques en Inde sont décelables vers le 4ème siècle de notre ère. Peu à peu, certains monastères et universités se spécialisent dans les tantras. Ceux-ci évoluent vers des formes de plus en plus ésotériques et complexes, tout en s’ouvrant paradoxalement à un public plus large.
Le maître tibétain Karmapa Rangjung Dorjé dresse un parallèle entre les trois corbeilles et les différentes traditions bouddhiques : Théravada, Mahayana et Vajrayana, montrant la continuité de tous ces enseignements. Pour les Tibétains, qui héritent de l’ensemble des traditions élaborées pendant des siècles en Inde, la voie du Bouddha est considérée dans son unité pyramidale : les enseignements les plus fondamentaux, ceux du Théravada, sont vus comme un marchepied vers les pratiques de plus en plus ésotériques du Mahayana puis du Vajrayana.
Les traditions tantriques ont été influentes dans diverses régions, comme la Malaisie, l’Indonésie ou même le Japon. C’est cependant surtout au Tibet que ce cycle d’enseignements s’est développé de manière exponentielle et est resté intact jusqu’à notre époque. Il y est devenu le courant dominant, alors que c’était à l’origine l’enseignement le plus secret du Bouddha.
L’expansion du bouddhisme en Asie Centrale et en Asie du Sud-Est donne naissance à l’adaptation et à la traduction des canons bouddhiques jusqu’au Japon et en Corée. La part des enseignements traduits diffère d’un pays à l’autre et, à l’inverse, certains détails historiques des écoles anciennes de l’Inde ont disparu en sanskrit et ne sont aujourd’hui connus qu’à travers leur traduction en tibétain ou en chinois par exemple. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs soutras du Mahayana.
Aux enseignements attribués directement au Bouddha, désignés par l’appellation générique de « soutra », se rajoutent au cours des siècles un nouveau type de littérature, constitué au départ des commentaires des maîtres bouddhistes, qui apparaissent en Inde après la disparition du Bouddha. Il s’agit des shastra ou traités.
Dans les pays où le bouddhisme s’est répandu, des maîtres autochtones ont à leur tour composé de nouveaux commentaires aux soutras, et, de plus en plus, aux shastras.
C’est ainsi qu’au Tibet, deux corpus canoniques furent constitués : le Kangyur qui se réfère uniquement aux enseignements du Bouddha et le Tengyur qui regroupe les commentaires des maîtres indiens ayant précédé l’implantation du bouddhisme au Pays des neiges. De même que pour les Indiens la parole du Bouddha faisait autorité, pour les Tibétains, celle de la lignée des maîtres du passé apparaissait aussi comme une source authentique.