Seconde partie : Le Compendium des décisions

Quel est l'état suprême de cette cessation ? C'est la cessation des bouddhas et des boddhisattvas, qui est nirvana non fixé, parce qu'il est basé sur leur détermination à donner bien-être et bonheur à tous les êtres vivants.

Asanga : l'Abhidharmasamuccaya

Chapitre 1 : Les Quatre Nobles Vérités

Seconde partie : Le Compendium des décisions

 
 
 
 
 
 
 



1- la Vérité de la souffrance :

La vérité de la souffrance concerne tant le monde animé qu'inanimé, c'est à dire le monde et ses habitants. L'auteur traite ce sujet dans l'ordre qui suit:

Le monde inanimé
L'enseignement du Bouddha, en particulier le mahayana, explique qu’il y a un nombre illimité d’univers dans les dix directions de l'espace. Ces systèmes sont en constante évolution entre une phase de développement, de maintien, de destruction, de néant, et ainsi de suite.

Le monde animé comprend les six classes d'êtres du monde du désir: ceux des enfers, des esprits avides, des animaux, des hommes, des titans et des dieux. Il comprend aussi les êtres du monde de la forme et du sans forme.

La souffrance de ces mondes apparaît sous trois aspects :
Il y a la souffrance de la souffrance, c’est à dire la douleur ordinaire, la souffrance du changement, et la souffrance qui imprègne l'état conditionné.

« La souffrance de la souffrance » dans les mondes humains est décrite à travers huit exemples :
la souffrance de la naissance,
du vieillissement,
de la maladie,
de la mort,
la perte de quelque chose de plaisant,
rencontrer ce qui n'est pas désiré ou déplaisant,
les conflits rencontrés pour obtenir ce que l'on cherche et la difficulté à protéger ce que l'on a acquis

Les quatre attributs qui caractérisent toute chose

Asanga explique en détail que toute chose est caractérisée par quatre attributs: l'impermanence, la souffrance, la vacuité et l’absence de soi.

La nature insubstantielle de la matière

La théorie de l'existence des particules de matière, ne peut être déterminée lorsqu'elle est soumise à l’analyse. La matière peut être divisée à l’infini en des particules de plus en plus petites. Par l’analyse, on découvre également qu’une particule de matière qui serait indivisible ne peut s’assembler avec d’autres, car elle devrait avoir des directions et ne serait ainsi plus indivisible. On arrive ainsi à une compréhension de l'absence de réalité de la matière.

La souffrance de la mort
Pour finir, Asanga décrit la souffrance de la mort, notamment en décrivant l'existence intermédiaire (skt : antarabhava ; tib : bar do) et l'être errant entre deux renaissances. Ces êtres sont littéralement appelés « des mangeurs d'odeurs » (skt : gandahrava ; tib : dri za).

« L’existence intermédiaire se déroule devant celui qui a fait le mal, par exemple sous la forme d'un taureau noir, ou d'une nuit obscure; devant une personne vertueuse, sous l'apparence d'une étoffe blanche ou d'une nuit très éclairée par la lune. »
Asanga
: l'Abhidharmasamuccaya

2- L'origine de la souffrance  :

La deuxième noble vérité, celle de l’origine, est d’une part une description de la cause de la souffrance, et d’autre part une explication de l’origine ou de la source de la renaissance dans le cycle des existences.

La soif, (ou le désir) est mentionnée comme l'origine de la souffrance. Mais dans l'étude détaillée, les obscurcissements mentaux et les actions sous leur influence sont considérés comme la cause directe de la souffrance.

Après avoir énuméré les émotions principales, l'auteur explique successivement leurs caractéristiques, leur surgissement, leurs objets, leur conjonction, leurs synonymes, leurs divergences, leurs domaines, leurs groupes et leur abandon.

Les actions prédominées par les émotions perturbatrices produisent des résultats karmiques qui sont décrits en détail.


3- La vérité de la cessation :

La vérité de la cessation de la souffrance est traitée au travers de douze approches, comme ses caractéristiques, sa profondeur, la vérité relative, absolue, etc. Puis trente quatre synonymes du mot ‘cessation’ sont énumérés :

« Quel est l'état suprême de cette cessation? C'est la cessation des bouddhas et des bodhisattvas, qui est nirvana non fixé, parce qu'il est basé sur leur détermination à donner bien-être et bonheur à tous les êtres vivants. »
Walpola rahula: le compendium de la super doctrine, Abhidharmasamuccaya d'Asanga

A la fin de cette section sont expliquées les quatre caractéristiques de cette noble vérité : cessation « parce qu'elle est libre de souillure », paix « parce qu'elle est libre de souffrance », excellence « parce qu'elle est la base du bonheur et de la pureté », et sortie « parce qu'elle est la base du bien-être permanent ».


4- Le chemin :

1- Le chemin de l’accumulation ou « sentier de la préparation » consiste en des ascèses morales de contrôle des sens, de méditations, etc. pratiquées par l'homme ordinaire.

2- Le chemin la jonction ou « sentier de l'application » conduit à l'acquisition des racines favorables et au recueillement menant à la pénétration des vérités à l'aide du précédent sentier.

3- Le chemin de la vision: Il conduit à la vision profonde des quatre nobles vérités par la reconnaissance des objets, des êtres et du soi tel qu'ils sont dans le réel: dépourvus de désignations et d'entité propre.

4- Le sentier de la méditation ou du développement mental reprend les 37 pratiques auxiliaires de l'éveil (skt: bodhipakasadharma; tib: byang chub yan lag sum bcu rtsa dun). Dans cette présentation « le noble octuple sentier » (skt:asta aryamarganga; tib:'phags lam yan lag brgyad) n'occupe pas la place centrale qu’il tient dans les textes du canon pali.

Ces pratiques conduisent au calme mental puis à la vision supérieure, et enfin à l'union des deux, Asanga donnant des instructions pour développer l'un ou l'autre de ces aspects en priorité, en fonction des pratiquants.

5- Le chemin de la perfection
Asanga décrit le samadhi semblable au diamant (skt: vajropamasamadhi; tib: rdo rje lta bu'i ting nge 'dzin) qui mène à l’état parfait de Bouddha. Ce samadhi suprême est ainsi nommé parce qu'il : « calme toute turbulence, abandonne toute entrave et obtient la libération de toute entrave (les plaisirs des sens, vues et opinions etc.) »

A ce stade la méditation ne « peut plus être couverte par les obstacles et peut briser tous les obstacles. »
Asanga
: L'Abhidharmasamuccaya

Le canon des sutras est établi par le désir de contrecarrer la souillure mineure du doute. Le canon du vinaya (discipline éthique) est établi par le désir de contrecarrer la souillure mineure de l'attachement aux deux extrêmes (des plaisirs des sens et de la mortification). Le canon de l'Abhidharma est établi par le désir de contrecarrer la souillure mineure de l'attachement à sa propre opinion.
Asanga : l'Abhidarmasamuccaya

 

Chapitre 2 : Décisions des Dharmas : l'enseignement du bouddha.


L’enseignement du Bouddha est divisé en douze divisions, entre autres les sutras, les narrations en vers, les stances, les expressions solennelles, les légendes, les situations originales, les histoires des naissances successives (sanskrit : jataka) etc. Ces différents types d'enseignements forment le tripitaka.

« Le canon des sutras est établi par le désir de contrecarrer la souillure mineure du doute. Le canon du vinaya (discipline éthique) est établi par le désir de contrecarrer la souillure mineure de l'attachement aux deux extrêmes (des plaisirs des sens et de la mortification). Le canon de l'Abhidharma est établi par le désir de contrecarrer la souillure mineure d'attachement à sa propre opinion. »
Asanga:
L'Abhidharmasamuccaya

Asanga divise l'enseignement bouddhiste entre le canon des disciples (Shravaka) et le canon des bodhisattvas.
Par exemple, les enseignements nommés Upadesa, qui sont les instructions du Bouddha, sont compris dans le canon de l'Abhidharma des Shravakas et des bodhisattvas. Les jatakas, qui relatent les existences antérieures du Bouddha lorsqu’il était encore un bodhisattva, sont contenues dans le canon relatif à « la carrière du Bodhisattva ».

En définissant « l'objet du Dharma » en quatre points, et en montrant comment celui qui le désire devrait étudierl'enseignement du Bouddha, Asanga offre une explication détaillée sur la façon d’aborder l'enseignement de manière fructueuse.

Il offre ainsi une méthode de connaissance et de recherche qui s'applique à la fois à l’étude de l'enseignement et à la contemplation méditative.

« Le bodhisattva, dans l'état de recueillement voit que les images sont l'esprit seulement. Expulsant la notion d'objet, apercevant seulement sa propre pensée, et ayant établi l'esprit en lui-même, il comprend l'absence de que ce qui est approprié (l'objet) et aussi « l'absence de ce qui s’approprie » (le sujet), ensuite il éprouve la connaissance qui ne peut pas être atteinte. » Asanga: L'Abhidharmasamuccaya

La dernière partie de ce chapitre est consacrée à la louange du Vaipulya « base du bien-être et du bonheur de tous les êtres », c’est à dire le Canon des Perfections ou paramitas des Bodhisattvas. Il est décrit pourquoi certains craignent le développement des perfections des bodhisattvas et pourquoi d'autres, même attirés par lui, ne peuvent pas obtenir l'émancipation.

Dans cette discussion figure une liste des 28 vues fausses qui peuvent s'élever dans l'esprit du Bodhisattva qui examine le Dharma superficiellement, en s’arrêtant aux mots.

 

Chapitre 3 : " Décisions des Obtentions"

Cette partie est divisée en deux sections: définition des individus et définition de la compréhension

1 - Définition des Individus

Asanga établit ici diverses classifications des individus, selon divers critères.

Sept types d’individus sont distingués, selon leur caractère et obscurcissement prédominant: certains sont dominés par 1° la concupiscence 2° la haine 3° l'ignorance 4° l'orgueil 5° la distraction ou (raisonnement). Les autres sont 6° équilibrés et 7° peu passionnés.

Si on établit une classification selon le fruit obtenu par la pratique du chemin, il y a trois sortes d'individus : les adhérents du véhicule des Shravakas, ceux du véhicule des Pratyekabuddhas et ceux du Mahayana.

En tant que réceptacles, certains n'ont pas encore acquis le viatique; d'autres à la fois ont et n'ont pas acquis le viatique et d'autres enfin ont déjà acquis le viatique.

Du point de vue de l'application du Dharma, certains suivent les instructions du maître spirituel avec confiance, alors que d’autres progressent sur le chemin en développant leur compréhension de la vérité en s’appuyant sur une étude approfondie et leur facultés aiguës.

Classifiés selon les différents niveaux de connaissance obtenus, résultats de la pratique du chemin, il y a vingt-sept types d’individus, par exemple celui qui a atteint la vision, celui qui est Entré-dans-le-courant, etc. jusqu’aux différents niveaux d’Arhat et les niveaux atteints dans le Mahayana.

En ce qui concerne les différents mondes ou royaumes, les individus sont classés comme appartenant au monde du désir, à celui de la forme ou à celui du sans forme.

D'après la carrière, on mentionne cinq catégories de Bodhisattvas, comme le Bodhisattva dont la carrière est dirigée par une forte inclination, par une forte résolution etc.

2 - La compréhension (sanskrit : abhisamaya ; tibétain : mngon rtogs) est étudiée en dix rubriques :

1. Compréhension de la doctrine
2. Compréhension du sens
3. Compréhension de l'état réel
4. Compréhension postérieure
5. Compréhension des Joyaux
6. Compréhension de l'arrêt de l’errance dans le samsara
7. Compréhension parfaite
8. Compréhension des Sravakas
9. Compréhension des Pratyekabuddhas
10. Compréhension des Bodhisattvas

Parmi ces dix, la compréhension des bodhisattvas est étudiée en détail. Par exemple, lors d’une discussion sur les onze différences entre la compréhension des Sravakas et celle des Bodhisattvas, sont décrites les qualités spirituelles obtenues par les bodhisattvas, telles que les quatre illimitées, les quatre sortes de connaissance discriminantes, les six sortes de connaissance Supérieure, les dix-huit qualités propres aux Bouddhas etc.

« Le Bodhisattva a accepté un nombre illimité de renaissances pour le bien d'autrui. Il ne détruit que les obstacles aux connaissances mais non les obstacles des émotions (klesa). Pourtant il demeure pur comme un arhat. » Asanga: L'Abhidharmasamuccaya

 

Chapitre 4 : " Décisions de la Dialectique"

Asanga traite dans ce chapitre des méthodes pour reconnaître le sens d'un texte et en débattre, il donne les moyens pour expliquer un soutra, les méthodes pour les démonstrations analytiques, pour répondre aux questions, pour débattre au sein d'un groupe, pour débattre sur des points de controverse ainsi que des méthodes pour intégrer le sens profond et caché de certains passages des soutras.

Cette section sur l’art du débat (skt : vada ; tib : rtsod pa) peut être considérée comme « un premier essai de cette logique bouddhiste que Dignaga et Dharmakirti devaient systématiser, développer et perfectionner plus tard. » Walpola rahula-: le compendium de la super doctrine (philosophie) (abhidharmasamuccaya) d'Asanga. Elle est annonciatrice des développements postérieurs du Bouddhisme indien dans le domaine de la logique et de l'étude de la connaissance, grâce notamment aux maîtres Dignaga et Dharmakirti.

Asanga présente l'art de débattre lui-même, puis dans quelles circonstances il peut avoir lieu : le sujet de discussion, et «-les ornements » ou qualités à développer, comme l'éloquence et l'érudition.
Il définit aussi ce qui constitue une défaite lors d’un débat, la sortie d'une discussion et les qualités à acquérir, comme une connaissance étendue, la confiance en soi et la vivacité d'esprit.

Asanga conclut en conseillant de n'engager une discussion que pour acquérir des connaissances en vue de sa propre édification, mais de se garder d'engager un débat pour le seul plaisir de débattre.

Ceci conclut notre présentation des œuvres concernant l’Abhidharma.