L’Abhidharmakosha

L'ABHIDHARMAKOSHA : INTRODUCTION

Vasubandhu Il existe cinq points d'étude philosophique dans le bouddhisme tibétain quelles que soient les écoles :

  1. Tséma (l'épistémologie bouddhique)
  2. La philosophie du Madhyamaka (la voie du milieu)
  3. L'Abhidharma (la connaissance supérieure des phénomènes)
  4. Le vinaya (discipline éthique)
  5. La prajna paramita (vertu transcendante de la sagesse)

Sans l’enseignement de l’Abbhidharma, les disciples seraient incapables de discerner les dharmas. La Vallée Poussin. L’Abhidharmakosa de Vasubandhu


Sur ces cinq sujets, les maîtres indiens ont écrit des œuvres de références qui ont été commentées par leurs principaux disciples. Ces œuvres originales et leurs commentaires ont été progressivement traduits en tibétain. Les maîtres tibétains ont eux-mêmes fait des commentaires pour en éclairer le sens du point de vue de leur école respective.

 

L'épistémologie bouddhique

L'épistémologie bouddhique cherche à établir une connaissance valide des phénomènes.
En se fondant sur l'analyse, on appréhende les modes de connaissance justes de l'esprit, ce qui nous permet d'abandonner les modes de connaissance erronés, causes de souffrance.

Les sources indiennes
Quand on étudie l'épistémologie bouddhique (tib : tshad ma) on utilise l'ouvrage de Dharmakirti, le pramana-vartartikka, (tib : tshad ma rnam 'drel) qui est un commentaire du pramana-samuccaya (tib : tshad ma kun btus ), traité de base de Dignaga, maître de l'épistémologie.

Les commentaires des maîtres tibétains
Dans la lignée karma kagyu, on utilise un commentaire du pramana vartartikka appelé le rig chung rgyam tshog composé par le 7e karmapa.

 

La philosophie du Madhyamaka

La philosophie du Madhyamaka s'attache à étudier la nature des phénomènes, qu'ils ressortent de l'esprit connaissant ou des objets perçus par cet esprit.

Les sources indiennes
La philosophie du Madhyamaka a été élaborée par Nagarjuna qui composa entre autres le mulaMadhyamakakarika, (tib : dbu matsa ba’i shes rab).
Candrakirti a fait un commentaire de ce texte racine, Madhyamaka avatara (tib : dbu ma 'jug pa). Les commentaires de Candrakirti donnent les détails qui permettent une bonne compréhension de l'œuvre de Nagarjuna plus détaillée. C'est pour cela qu'ils sont plus utilisés que l'ouvrage original. Dans le bouddhisme tibétain, le plus étudié est le Madhyamaka avatara.

Les commentaires des maîtres tibétains :
Dans la lignée karma kagyu, le 8e karmapa a composé un commentaire du Madhyamaka avatara.
On utilise aussi un commentaire de Mipham Rinpoché du Madhyamaka alankara (tib : bdu ma rgyan) de Shantarakshita (tib : zhi ba 'thso) maître et philosophe indien contemporain de Guru Rinpoché.
L'Abhidharma étudie non pas le mode d'être des phénomènes mais la manière dont ils apparaissent ainsi que la cause de cet apparition phénoménale ; il décrit tant les phénomènes de l'esprit que ceux du monde.

 

L'ABHIDHARMAKOSHA : OUVRAGE DE RÉFÉRENCE AU TIBET

L'auteur

Vasubhandhu est né au Cachemire au IVe siècle dans la région de Purusapura (Peshawar). Son oeuvre est d'une grande importance dans la philosophie bouddhique. Il figure parmi les « six ornements » au même titre que Nagarjuna ou Dharmakirti. Il est d'abord un adepte fervent de l'école Sarvastivadin, mais fera plus tard un commentaire de l'Abhidharmakosa du point de vue de l'école Sautrantika : l'Abhidharmakosabhasaya. Il finira, sous l'influence de son frère Asanga, par adopter l'approche bouddhiste du grand véhicule.

 

L'oeuvre

Quand Vasubandhu écrit L'Abhidharmakosa, il le présente lui-même comme « l'exposé de l'Abhidharma tel que l'enseignent les Vaibhasika du Cachemire », et on considère son texte comme un résumé de la Mahavibhasa, l'ouvrage de référence de Vaibhasika.

L'Abhidharmakosa se fonde sur les traités des maîtres de l'école Vaibhasika. Le Bouddha Shakyamuni n'a pas enseigné de manière systématique, mais plutôt en réponse à des questions. Les maîtres indiens ont composé des textes racines qui servent de référence et synthétisent la parole du Bouddha.

L’Abhidharmakosa est divisé en deux parties
Les Karika, « vers mémoriaux » où l’auteur expose impartialement le système « orthodoxe » de l’école Vaibhasika
Le Bhasya, « commentaire » en prose intercalé entre chaque vers, où l’auteur explique les karika presque mot à mot. Il relate et critique les opinions d’autres écoles et expose sa thèse personnelle, qui s’écarte fréquemment de l’interprétation Vaibhashika.

Le texte original et ses traductions
Composé en sanskrit, l'ouvrage original intégral a été perdu. Il a été traduit en tibétain au VIIIe siècle par le pandit indien Jinamitra et le traducteur Peltsek Rakshi (tib : dpal brtsegs rak shi).
Référence de P. Cornu dictionnaire encyclopédique du bouddhisme.

Quand on parle de l'Abhidharma au tibet, sans aucune autre précision, il s'agit de l'Abhidharmakosa. C'est un ouvrage de référence étudié dans tous les shédras (université tibétaine dédiée à l'étude du Dharma), bien que l'oeuvre n'adopte pas le point de vue du Mahayana.

 

Les commentaires tibétains de l'œuvre originale

L'œuvre originale a fait l'objet de commentaires par des maîtres tibétains, comme le commentaire du maître Sakya, Gorampa :
go rams pa bsod nams seng ge : kun mkhyen go bo rab 'byams pa bsod nams seng ge'i bka' 'bum kha skong , [kun mkhyen go rams pa bsod names seng ge gsum 'bum supplemental texts series], Kangra (India), Yashodhara Publications, 1996, dam pa'i chos mngon pa mdzod kyi 'grel pa gzhung don rab tu gsal ba'i ni ma, a commentary of the fundamental text of tibetan Buddhist abhidharma, the Abhidharmakosa of Vasubandhu by mus chen rab 'byams pa thugs rje dpal bzang, 4 volumes dpe cha

Dans l'école karma kagyu, le 8e Karmapa Mikyeu Dorjé a composé un commentaire extensif en deux volumes de l'Abhidharmakosa :
mi bskyod rdo rje : chos mngon pa’i mdzod kyi 'grel pa rgyas par spros pa grub bde’i dpyid 'jo, 2 volumes dpe cha

 

L'objet de l'Abhidharmakosa

L'Abhidharmakosa (tib : mngon pa mdzod) distingue les "phénomènes purs" et les phénomènes "impurs". Les phénomènes contaminés (tib : zag bcas littéralement : "contaminé") font référence au samsara et les phénomènes dits "purs" (tib : zag med) au nirvana. Le mot tibétain 'zag' peut signifier « chute », le Dharma étant ce qui empêche de chuter, alors que les obscurcissements mentaux sont ce qui fait tomber dans les mondes inférieurs.

"Les dharma sont "impurs" en relation avec les vices, ou purs, sans relations avec les vices"
La Vallée Poussin : L'Abhidharmakosa de Vasubandhu ; chapitre 1

"Abhi" signifie "évident" ou "clair", "dharma" signifie ici "phénomène". On pourrait traduire le mot Abhidharma par : sagesse qui analyse la véritable nature des phénomènes.

Les phénomènes à analyser sont de deux ordres : ceux qui relèvent du samsara et ceux qui relèvent du nirvana. L'objet de l'Abhidharma est donc de savoir comment fonctionne le samsara et comment on peut s'en libérer.

 

L'Abhidharmakosa se fonde sur les quatre nobles vérités

L'Abhidharma se base sur les 4 nobles vérités enseignées par le Bouddha Sakyamuni : la souffrance, l'origine de la souffrance, la cessation de la souffrance et la vérité du chemin.

L'Abhidharmakosa accorde beaucoup d'importance aux définitions. Ainsi on nomme "esprit" ce qui est capable de connaître ou de percevoir. Le nirvana se définit comme la cessation de toute forme de souffrance, par opposition au samsara.

Vasubandhu utilise le raisonnement par l'absurde pour montrer ce que n'est pas le nirvana. En effet, chacun cherche un bonheur définitif et stable. Par le raisonnement analytique, l'Abhidharmakosa identifie ce qui n'est ni un bonheur définitif, ni la cause d'un tel bonheur.